Friday, July 09, 2004

 

Contre la domination de l'image

Mais, s’il est nécessaire de critiquer la télé à la télé, il est tout aussi nécessaire d’y critiquer... la télé qui critique la télé. Aucun pouvoir ni celui de Cavada et Durand, ni le vôtre, ni le contre-pouvoir, balbutiant, des émissions de « méta-télévision » ne doit renoncer à s’exercer aussi contre les mystifications dont il est, par essence, producteur. Quiconque vient sur un plateau de télévision, fût-ce pour offrir la riche représentation allégorique du Savoir terrassant le Paraître, y devient aussitôt icône, et donc légitimement objet lui-même de décryptage. Pourquoi le spectacle télévisé de « Pierre Bourdieu critiquant la télé à la télé » (spectacle redoutablement efficace, comme en témoignèrent les réactions qui suivirent votre venue) serait-il seul tabou ? L’exercice, je le conçois bien, est ambigu, mais il est nécessaire, et je regrette sincèrement que vous ne l’ayez pas supporté. Votre cri de colère, j’eusse aimé l’entendre... sur notre plateau. Et je ne désespère pas que vous en repreniez un jour le chemin. Concluons. Au total, grâce à ces deux émissions et à cet échange à distance dans Le Monde diplomatique , peut-être aurons-nous contribué ensemble à cette mission de salubrité publique : rendre les téléspectateurs-citoyens moins dupes de ce qu’ils voient et entendent. L’attelage hétéroclite que nous formons aura peut-être fait progresser une idée simple, dont je sais qu’elle vous est chère : accepter sans rébellion toute représentation publique du pouvoir (y compris du pouvoir intellectuel), c’est déjà être dominé. N’est-ce pas l’essentiel ?


Daniel Schneidermann

Source Le Monde Diplomatique - Archive Mai 1996

Jim
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